Penser l’humain du XXIe siècle, une nécessaire alliance Est-Ouest

22/07/2021

 

Apports de la psychanalyse dans la civilisation d’aujourd’hui :

« L’agressivité est une disposition pulsionnelle originelle et autonome de l’être humain », dit Freud dans Le malaise dans la civilisation, mais la civilisation trouve aussi en elle son plus gros obstacle, rappelle-t-il en suivant, il y a une discordance entre l’être humain et la civilisation. Le malaise est pour Freud un fait historique et ontologique. C’est l’ouverture du désir pratiqué dans l’imaginaire par la parole (castration), qui délivre de l’image de l’autre pris pour notre double, à l’origine de l’agressivité. Il est nécessaire de se construire, de dépasser l’envie et la haine, de renoncer à ses pulsions les plus meurtrières pour arriver à se civiliser et à un vivre ensemble dans une harmonie de société à laquelle aspiraient les Sages confucéens.  L’œuvre freudienne a tendu une réflexion entre deux points fondamentaux : le meurtre du père, ce grand mythe à l’origine du développement de la culture et l’instinct de mort ancré au plus profond de l’homme. Freud nous a montré que l’établissement de la vie ne serait possible que par la promotion de la pulsion de destruction et de son corollaire, l’acte d’expulsion. Dans son écrit « Le problème économique du masochisme », il dit que c’est l’expulsion de la pulsion de mort par la pulsion de vie qui, à la fois est condition de la vie, mais aussi constitue la pulsion de destruction. Le paradoxe du sujet humain se situe donc là, la pulsion de destruction au nom de l’impératif de l’autoconservation, traçant son destin entre la vie et la mort. La guerre entre les hommes peut être menée pour de multiples causes, dont celle, non négligeable, du désir de reconnaissance, ce désir décrit par Platon dans La République et repris par Hegel, « désir de reconnaissance qui entraîne à l’origine les combattants primitifs dans une bataille à mort pour le seul prestige », et dont l’issue ouvre sur la division de la société humaine en deux classes, celles du maître et de l’esclave. 

La pensée confucéenne qui date de la période Présocratique (VIe siècle av. J.-C.) est une réflexion centrée sur l’« être humain », sa place parmi les autres et dans le monde. Elle ouvre à la question de l’autre et à la notion d’altérité très malmenée dans la civilisation d’aujourd’hui, ce qui ne peut qu’amplifier en cercle vicieux, l’agressivité entre les hommes et le malaise en retour. Aller puiser dans cette mémoire du monde, cette sagesse confucéenne pourrait nous aider à penser la place de l’humain dans le monde actuel qui se trouve aussi confronté aujourd’hui à une nouvelle question, impensable il y a quelque vingt ans, comment protéger sa civilisation face à l’embrasement d’une certaine partie du monde ? 

De cette issue dépendra son avenir et son équilibre avec les autres modèles de société, l’équilibre de l’humanité, qui traverse actuellement une crise profonde dans son évolution et dans laquelle se dissimulent des choix qui seront déterminants pour sa destinée. Le mental humain a réalisé dans certaines directions un développement immense, décalé par rapport à son développement dans d’autres directions et notamment dans la dimension morale et éthique. Nous ne sommes pas au rendez-vous dit Moustapha Safouan, âgé de 90 ans, dans son dernier livre La civilisation post-oedipienne, Désir et finitude. Nous ne sommes pas au rendez-vous de ce qu’aurait pu apporter la connaissance, la raison, l’assomption de la division subjective.  La civilisation occidentale est entrée dans l’ère du virtuel, de la diffusion d’internet, un miroir à double face : vaste toile de projections imaginaires lorsqu’il est tourné vers le sujet du moi idéal i(a) qui peut se perdre dans la passion de son image, ou outil d’une forme d’intelligence collective lorsqu’il est tourné vers l’autre, vers l’idéal du moi. La suprématie du numérique s’installe, avec l’apparition de la « raison numérique », une domination des codes et des chiffres qui pousse à l’abstraction du vivant, à sa « dématérialisation», voire à son mépris. Or quand on lie dans un même terme le mépris de l’autre et de soi-même, il n’y a plus de retour. Nos sociétés traversent une crise des valeurs et du sens dans une organisation mondialisée centrée sur l’économie, l’argent et la technologie, qui s’étend sur la science, une science sans conscience, dont les développements accélérés, et notamment du numérique qui aspire nos identités dans une logique algorithmique, ouvrent à une mutation sans précédents de la civilisation. Cette mutation peut œuvrer pour le meilleur ou pour le pire pour l’humanité, si nous oublions la sagesse fondamentale de respecter le fait psychique humain dans un esprit et un souci éthique. 

Les scientifiques d’aujourd’hui s’appuient sur une nouvelle attitude de savoir que Heidegger, voyant déjà que la technique nous échappait, qualifiait de « prétention mathématique », laissant de côté la dimension de l’humain dans une forclusion dénoncée par Lacan. « La science est fille de la poésie » dit Gérard Pommier qui décryptant les processus psychiques à l’œuvre dans l’écriture du poète Khlebnikov, nous montre trois strates : celle de la poésie d’abord , puis celle de l’invention d’une langue fondamentale, le Zaoum, langue constituée à partir de la pulsionnalité, inventée pour inverser la direction du désir incestueux dans un effort créatif ; enfin la strate du chiffrage dans sa découverte des Lois du temps, où à partir de nombres principaux, les évènements à venir sont calculés et étonnamment de manière juste. Les chiffres lui procurent un sentiment maniaque de guérison de sa psychose, lui permettant l’identification au père du Logos, le père mythique primitif, celui qui recouvre les figures effrayantes de l’ogre, du loup dans les contes enfantins, à différencier du « papa » œdipien. Le discours de la « raison numérique », imposé par les ingénieurs de la Silicon Valley, ne tenterait-il pas aussi cette identification au père mythique en se posant comme discours du maître dans une logique qui va même penser à votre place et entraine l’humanité dans un chiffrage psychotique ? La machine semble prendre la parole ordonnatrice.

L’héritage confucéen comme aide à penser l’humain 

La société chinoise, disloquée à la suite des grandes catastrophes du XXe siècle, les nombreuses révolutions, la guerre avec le Japon, le traumatisme de la Révolution culturelle, souhaite incorporer dans son modèle économique d’aujourd’hui le respect des valeurs confucéennes de sincérité, d’humilité et d’harmonie dans les relations à l’autre et dans la communauté. Une doctrine réinterprétée à chaque génération, qui scelle l’identité chinoise et perdure depuis le fondement de l’Empire chinois. 

Un homme bien, dans la tradition chinoise est un jūnzǐ, 君子, une valeur clé de Confucius. C’est à dire un jeune homme qui s’élève de par son étude approfondie, l’acquisition de connaissances, à un niveau exemplaire qui lui permet de se connaître d’abord, de se gouverner lui-même, puis de gouverner autrui en cercles élargis, de la famille à la société, par la vertu. Ce terme exprime une grande noblesse morale. La psychanalyse s’apparente à ce travail de connaissance de soi en utilisant les ressorts du langage. Elle peut défaire par le génie de la langue les chaînes inconscientes qui entravent un sujet et lui permettre de découvrir le chemin de son propre désir et de pouvoir décider de sa vie avec un meilleur discernement. Pour Melanie Klein, une bonne relation avec nous même est la voie d’accès aux autres, à l’amour, à la tolérance et la sagesse. Elle rejoint aussi par là la sagesse confucéenne. Confucius a posé le premier cette sagesse à laquelle Lacan fait référence dans son séminaire « L’éthique de la psychanalyse », celle de prendre en compte la vie intérieure et le désir, rényù, ou 性欲 (xìngyù) la traduction habituelle, de pousser au plus haut degré la connaissance afin d’accéder à des désirs sincères, ce que Confucius appelait pénétrer la nature des choses. Ce qui a intéressé Lacan dans la pensée chinoise abordée par la lecture de Mengzi avec François Cheng se porte à mon avis sur plusieurs axes : d’abord la question de la nature, xìng, 性, notion au fondement de la tradition chinoise, prééminente dans l’œuvre de Mengzi, débattue par les lettrés chinois pendant des siècles et qu’il développe largement dans le Séminaire XVIII, « D’un discours qui ne serait pas du semblant ». Nature de l’homme que Lacan développe du côté de l’être parlant.  Mais au-delà, il y a aussi la question du désir prééminente dans l’œuvre de Lacan et celle de la sagesse dont il déplore dès les années soixante un certain effondrement à l’origine de nos maux contemporains. L’emballement de la technique et des sciences au mépris du fait psychique humain, nous inscrivent dans une « civilisation de la haine », qui ne court pour lui qu’au pied du mur de sa destruction. Dans ce train lancé à grande vitesse du développement de la science, dit-il, c’est elle qui occupe la place du désir et s’alimente par la passion du savoir. 

L’utilisation de la langue et de son équivoque différencie la méthode psychanalytique de toute autre où le savoir provient de l’extérieur, elle permet le jaillissement de l’imprévu, la surprise, la poésie et la créativité. En levant les interdits de penser, elle permet une pensée ouverte dans laquelle la guérison peut survenir. L’âme chinoise guidée par l’intuition, la poésie et la créativité a les moyens de ne pas se laisser ravaler par la course effrénée au profit matérialiste. Elle porte en elle, ce profond humanisme confucéen qui pourrait devenir une étoile pour l’humanité, autrement que par le pouvoir et la guerre. L’avenir, que nous souhaitons tracer en suivant une meilleure façon d’habiter l’humanité, Li rén, comme le disait si justement Confucius en relevant les défis que ce début du XXIe siècle nous impose est à créer et à innover, en alliant nos deux modes de penser entre Orient et Occident. Les bases de la pensée confucéenne pourraient nous aider à conceptualiser un projet civilisationnel tenant compte de la dimension de l’« être humain », de sa vie de l’esprit et de ses besoins psychiques et utilisant les progrès de la science et de la technique avec patiente, prudence et juste mesure.

Le modèle asiatique s’est construit basé sur la pensée et la philosophie confucéenne mettant en exergue le concept de piété filiale, xiào, 孝. Les valeurs clés de cette pensée sont la justice, le sens des rites, la sagesse et le sentiment d’humanité, le rén, 仁, (juxtaposant le caractère de l’homme avec celui du deux) qui permet d’éduquer dans un objectif de mieux vivre ensemble en société, dans l’harmonie avec les autres. Le monde moderne occidental est singulièrement devenu malhabile à aborder les grands thèmes de l’ontologie. Il préfère résoudre les choses en termes de conduites, de comportement, d’adaptation. L’éducation d’un petit homme appelé à renoncer à ses pulsions les plus sauvages et à s’humaniser passe par le langage et la parole et non le forçage adaptatif d’un dressage comportemental et neuronal. Dans son séminaire L’éthique de la psychanalyse, Lacan nous indiquait, un peu à la manière de Freud et nous invitait à plusieurs reprises dès les années soixante, à nous ouvrir à la pensée chinoise, celle de Mengzi (Mencius) étudiée avec François Cheng dans le texte, dans les années soixante-dix, pour tenter de penser cet effondrement de la sagesse. Dans la pensée confucéenne, le sentiment d’humanité, la vertu suprême, se dit rén , 仁, dont le caractère est composé du radical homme et du signe deux, un homme vertical qui marche sur deux jambes dans une relation à l’autre, le deux pouvant ouvrir au trois puis au quatre…Chaque être humain est dans l’être de l’autre, ce que la psychanalyse nous montre, dans une aliénation réciproque. Le rén est posé comme « l’idéal de la conduite humaine » de l’homme de bien, jūnzǐ, 君子 , il est ce par quoi se réalise la personne humaine en commandant toutes les vertus. L’homme ne devient humain que dans sa relation à autrui et non uniquement à lui-même dans l’image en miroir, le concept de piété filiale est l’illustration par excellence du lien de réciprocité. Le fondement de la société est synonyme de ce symbole du deux que notre technicisation à outrance risque aujourd’hui de faire voler en éclats dans un véritable travail de déliaison de la pulsion de mort sous jacente, remplaçant le deux par la machine et vouant l’individu moderne à une solitude et déréliction sans nom. Les œuvres du sculpteur Henk Visch qui exposait récemment à la Fondation Maeght en attestent, l’image de cet homme seul, métallique et métallisé, offrant son buste arc-bouté vers le ciel en lançant un geste de désespoir est très forte. Cette désaffection de l’humain dont Lacan a eu l’intuition dans les années soixante, atomise et désoriente aujourd’hui les individus comme les collectivités. Elle est en partie responsable de la crise des valeurs que traversent nos sociétés occidentales et favorise l’émergence de nouvelles idéologies totalitaires.

Penser l’humain du XXIe siècle

Le Malaise dans la civilisation n’en finit pas de s’écrire. Se mettre au clair de ses comptes avec son désir n’est pas une voie où l’on puisse avancer sans rien payer, dit Lacan. « Sublimez tout ce que vous voulez, il faut le payer avec quelque chose, et ce quelque chose s’appelle la jouissance. ». Cette opération mystique se paie avec une livre de chair, que la religion se fait office et emploi de récupérer. La psychanalyse a et aura son mot à dire dans les excès de jouissance de son époque, la nôtre confinant au-delà de la haine, au désastre possible, dans un réel qui réveille autrement que la réalité. (C’est la nature humaine en tant que telle qui est en jeu aujourd’hui, insistait à dire Hannah Arendt). La psychanalyse est capable de fournir une boussole pour s’orienter dans le champ de la direction éthique, et s’inscrit dans une dimension morale, du fait qu’elle procède par un retour au sens de l’action. L’hypothèse freudienne de l’inconscient suppose que toute action de l’homme normale ou morbide a un sens caché que l’on peut mettre à jour et à la conscience, mettant en exergue le rapport de l’action au désir qui l’habite. 

Notre civilisation traverse un véritable effondrement moral dit le Pape dans un de ses derniers discours au Vatican. Freud gardait le plus grand espoir dans l’application de la psychanalyse à la pédagogie et à l’éducation de la génération à venir. Or, nous ne sommes pas au rendez-vous, comme le dit Moustapha Safouan. L’expérience du XXe siècle et de ses guerres « totales » ont rendu éminemment problématiques les prétentions au progrès fondées sur la science et la technologie. La capacité de celles-ci à améliorer la vie humaine dépendra étroitement du progrès moral de l’homme rappelait dans les années quatre vingt-dix le penseur Fukuyama dans son livre La fin de l’histoire et le dernier homme.  La prolifération de la technique, soumise aux lois capitalistes dans un mécanisme de plus-value au fondement de l’aliénation de nos sociétés capitalistes que dénonçait Marx a et aura des effets humains soumis aux lois du marché. Le champ est donc pour nous immense face aux confusions engendrées par tous ces progrès techniques et scientifiques alimentant déjà les errements narcissiques de nos sociétés occidentales dans les passions clivées pour le fétiche argent et la fétichisation narcissique des corps. La psychanalyse, cette science du désir, permet de récupérer l’objet d’amour dans la relation objectale et non plus dans la fétichisation du corps. La relation objectale à l’autre permet sa reconnaissance en tant que frère symbolique, dans lequel mon image ne m’aliène plus puisque j’en suis séparé mais proche ; un autre humain que je valide dans sa condition d’être humain dans un sentiment d’empathie, lui reconnaissant son statut de dignité dans sa destination pour l’humain, comme l’a dit si justement Jean-Michel Hirt lors du colloque que j’ai organisé à Toulouse. Le travail artistique de l’artiste japonaise Chiharu Shiota s’inscrit dans cette destination. (Ces bateaux entrelacés de fils tissés entre eux qui volaient aériens mais axés dans une même destination, dans les hauteurs du Bon Marché en janvier 2017 s’inscrit dans cette dimension de pensée qui interpelle les artistes comme les intellectuels. Il s’agit de l’urgence de penser une destination pour l’humain du XXIe siècle). Se reconnaître, c’est se faire confiance l’un, l’autre, disait Denis Vasse. C’est le seul moyen d’apaiser ces luttes à mort pour le seul prestige, moteur profond de toutes les guerres. Un moyen complémentaire de dériver les pulsions de mort que Freud orientait vers la culture, dans sa réponse à Einstein lors de leur échange publié en 1932 sous le titre Pourquoi la guerre ? L’apport freudien, développé depuis la fin du XIXe siècle, à la suite des deux grandes mutations de l’histoire : la sécularisation de l’Etat et l’apparition de la mort de Dieu, aurait pu, et c’était son vœu, amener une lumière et une clarté décisive à l’homme de la fin du XXe siècle et du début du XXIe siècle, de façon à ce qu’il puisse construire une paix durable, la « Paix perpétuelle » selon la thèse de Kant. Mais Freud va réviser cette lecture des rapports guerre/paix à la suite de la première guerre mondiale et des traumatismes et névroses de guerre auquel il a dû faire face. Platon dans La République, avait reconnu trois composantes chez l’être humain, le désir dont la psychanalyse a fait sa science, la raison alimentant la philosophie et le thymos, ce lieu ou esprit de vie dans lequel s’origine ce désir de reconnaissance, cette partie de l’âme qui exige la reconnaissance, facteur de l’estime de soi. L’estime de soi naît de cette partie de l’être qu’il nommait thymos, et qui pourrait s’apparenter au , 气 chinois, le souffle. Le désir d’un sujet peut rester en attente jusqu’à ce moment de parole reçue pour pouvoir prendre place en tant qu’humain et se sentir exister. Le champ de l’humain doit être repensé et approfondi à mon avis dans ces différentes dimensions. 

L’éthique comme réponse au Malaise dans la civilisation

L’éthique peut être posée comme réponse au Malaise dans la civilisation. De notre désir de psychanalyste nous avons à poser les bases de la responsabilité humaine, celles d’une « éthique collective » à réévaluer du fait des mutations en cours, certains penseurs comme le philosophe Marcel Gauchet, n’hésitant pas à parler de véritable « rupture anthropologique », du fait de l’apparition dans le monde contemporain de phénomènes de subjectivation absolument inédits, créés en grande partie par l’univers technologique dans lequel nous évoluons nous promettant le bonheur grâce à la suppression du manque. Mais la nouveauté ne peut advenir que là où le principe conservateur de la vie psychique a été dépassé, là où le manque comme lieu où le désir peut naître a été dévoilé. Cet univers technologique n’a pas que des côtés négatifs, il ouvre aussi des possibles, comme l’intelligence collective que permet les échanges en réseaux et sur laquelle nous pourrions nous appuyer ; la facilitation des déplacements et de la mobilité, mais ces côtés positifs sont aussi contrebalancés par les possibles de diffusion accélérée du fascisme, ce que l’on voit avec l’apprentissage en kit en quelques clicks sur internet en Occident du parfait djihadiste.  Les évènements traumatiques du XXe siècle ont tissé la toile de fond d’une profonde crise intellectuelle que l’humanité traverse. Il est de notre responsabilité éthique de poser cette question dans le champ accéléré de l’évolution, qui nous paraît dangereusement mépriser le fait humain, une transformation est nécessaire. Sortir du brouillard à l’instar de ces mégapoles crépusculaires devenues irrespirables nécessite une prise de conscience salutaire.  L’humanité évolue dans son développement comme un homme disait Freud. L’Histoire peut-elle se penser comme une évolution continue ?  Hegel et Marx pensaient que l’évolution des sociétés humaines n’était pas infinie. La psychanalyse doit retrouver sa fonction et son rôle ouvert par Freud. Le concept freudien de ce couple théorico-clinique de liaison-déliaison de la pulsion de mort,  est à reprendre ensemble et serait peut-être à envisager, comme nous y invite la pensée chinoise en termes d’alternance et de cycles, dans une « transformation silencieuse » selon l’expression de François Jullien, à laquelle œuvre la psychanalyse en aidant à sortir le « vivre » de l’enlisement qui le fige ;  et qui pourrait nous aider à penser et prévenir, peut-être, les traumas répétitifs du futur. 

L’outil de la psychanalyse dans son affrontement de la condition humaine, pourrait aider l’humanité à penser son devenir, avancer d’un pas de plus dans un désir averti et franchir le stade du miroir, sortir de l’imaginaire, le lieu de cette agressivité où l’autre, le frère, le deux qui fonde la société fait problème dans la tentative de s’en différencier. La technique ne pourra pas tout dans notre civilisation, au risque de voir se développer de plus en plus d’idéologies alternatives et dangereuses. Aller puiser dans les archives de la mémoire du monde, de cette civilisation cinq fois millénaire, pourrait nous guider pour faire cheminer la civilisation vers un meilleur vivre ensemble, vers le respect de la dignité humaine dans l’organisation du monde, de façon à pouvoir habiter l’humanité. La plus intéressante percée du XXIe siècle, face au grand défi mondial qui nous attend, pourrait advenir, non pas par la technologie, mais par l’approfondissement du concept de ce que signifie « être humain ».

                                                                                                      Monique Lauret.

 

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