A PROPOS DES DIVERGENCES DE DEBAT SUR LA TRANSIDENTITÉ

08/09/2022

À PROPOS DES DIVERGENCES DE DEBAT SUR LA TRANSIDENTITE

Le malaise dans la culture n’en finit pas de s’écrire. Que penser des mouvements de clivage et de haine qui agitent le milieu psychanalytique autour de la question de la transidentité, de la « dysphorie de genre », concept créé par la classification américaine, le DSM V ? Ces outils internationaux modulables selon l’évolution de la société, notamment américaine, créent un quasi « langage signe », une nouvelle religion masquant l’unification de la masse en cours. Le XXè siècle a eu son symptôme avec l’Hystérie et les « folles » de Charcot, le XXI è siècle annonce le sien, celui de la liberté de décider de son genre sexué dans une mode transgenre. Une mode qui ne touche pas seulement les adultes consentants mais aussi les enfants et les adolescents. C’est à partir du concept freudien de Narcissisme (1914) qu’a eu lieu la grande division entre les pratiques et la théorie psychanalytique. La tradition nord-américaine d’un moi fort adapté et adaptable à une société d’échanges économiques devenue celle du libre-marché, prise dans le discours capitaliste ; et celle de l’inconscient subversif avancé par Freud et Lacan, inscrite dans le discours du psychanalyste. L’inconscient précède la conscience, il est notre avenir, il est éthique et non ontique, soulevant la question du non-être, du « désêtre », avancée par Gorgias dans son Traité du non-être et reprise par Lacan. Faut-il rappeler que le conscient fonctionne sur un principe d’identité, je me « ressens » homme ou femme, je suis donc homme ou femme ; alors que dans l’inconscient, le contradictoire est possible. Ils ne peuvent rien dire l’un de l’autre. C’est à ne pas faire cette distinction que l’on tombe dans le totalitarisme rappelait Guy Massat dans ses séminaires. La psychanalyse permet de distinguer l’inconscient du conscient, le savoir conscient contient des arbitraires d’exclusivité et de totalitarisme, ce que les controverses actuelles illustrent et incarnent, symptômes de l’effondrement vital de la psychanalyse. Faut-il rappeler la nécessité posée par Lacan de la position ultra-vide de l’analyste, dont l’efficace ne tient que de sa fonction de traduction, d’interprétation et non de grand Autre censeur de la société ou de ses autres collègues ?

Les mouvements ambigus, faits d’amour et de haine, de rivalité et de compétitivité qui peuvent se dérouler entre « frères » en psychanalyse, lorsque la haine primaire n’a pas été suffisamment analysée et que rien ne vient faire frein ou barrière à une jouissance qui peut se déchaîner, entrainent confusions entre l’inconscient et le préconscient, relations perverties à l’intérieur des transmissions institutionnelles, et lorsque la parole vraie et la vérité font défaut, favorisent les guerres fratricides, filicides et parricides. La haine est première dans l’inconscient, la haine jalouse et envieuse de la perte d’amour, la haine du frère, la haine de la différence sexuelle, la haine des jugements de moi, du surmoi, de l’Autre…. Il faut du temps au petit d’homme pour se civiliser, dépasser sa haine première, dans une dynamique d’élaboration des fantasmes, d’atténuation du sadisme, allant de pair avec l’intégration de la bisexualité, la « position dépressive » de Melanie Klein, dans un processus d’humanisation, sans cesse à remettre à l’œuvre. L’arête de l’inconscient permet de comprendre l’hainamoration qui nous manipule. Les fantasmes régissent notre existence. Laplanche et Pontalis ont souligné à quel point, pour Freud, fantasme et désir sont dans un rapport étroit : Wunschphantasie ne signifie-t-il pas fantasme de désir1 ? Ce à quoi le sujet a affaire, c’est à l’objet du fantasme en tant qu’il est seul capable de fixer un point privilégié dans une économie réglée (avec le principe du plaisir), par le niveau de la jouissance. La vraie psychanalyse aide le sujet à discerner l’inconscient du conscient, à mettre en lumière le fantasme qui sous-tend son désir, modifiant ainsi son régime de jouissance vers une jouissance plus tempérée moins prise dans les rets des pulsions de destructions. C’est dans l’inconscient qu’a lieu le combat entre Eros et Thanatos. La fausse psychanalyse ne sépare pas le conscient de l’inconscient, Lacan avait qualifié de « canailles » ceux qui jouent sur les deux tableaux. « C’est de la parole que nous tenons cette folie qu’il y a de l’être » rappelait Lacan. Il n’y a pas besoin d’être pour que la parole parle. C’est sur cette logique paradoxale de l’être parlant que se justifie la révolution psychanalytique, le retour à Freud. La psychanalyse a un sens inversé, diamétralement opposé à celui de la psychologie et de la philosophie. Pour séparer la vraie de la fausse psychanalyse, il suffit de compter jusqu’à trois. Une logique de « tiers inclus » qui manque cruellement dans les débats actuels.

Le taux dit de « suicidalité » (idées suicidaires, tentatives de suicide, suicides accomplis…) après « réassignation sexuelle » est à peu près 5 fois supérieur à celui de la population générale. Le philosophe Dany-Robert Dufour nous apportait ces résulats d’ une des rares enquêtes sérieuses sur les suites des opérations de réassignation, menée en 2015 par l’Université of British Columbia de Vancouver : « Results of the Canadian Trans Youth Health Survey », lors d’un colloque qui s’est tenu à Toulouse en octobre 2021 et qui a fait l’objet d’un ouvrage collectif Ethique, inconscient et questions contemporaines, publié chez L’Harmattan en 2022.

Quel regard porteront les générations futures sur ces psychanalystes qui se seront faits acteurs de la dérive imaginaire et des manipulations idéologiques d’une époque ? La « drôlerie » d’une époque qui risque de l’être moins sur le réel de ces corps qui auront été instrumentalisés, déformés, mutilés sans espoir de retour, pour des sujets enfants et adolescents non encore déterminés dans leur identité sexuelle et leur capacité de dire non ?

Monique Lauret.

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